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Traduire le théâtre vers des genres non-verbaux du spectacle vivant : Nestroy comme mimodrame et ballet-pantomime
Translating theatre into non-verbal genres of performance art: Nestroy as mimodrama and ballet-pantomime

Kerstin Hausbei, Université Sorbonne Nouvelle

ABSTRACT

Verbal language is a central sign system in the Western theatrical tradition. How does a translation manage to remove this sign system while translating a dramatic text into non-verbal genres of the performing arts? As both translation and adaptation specialists agree nowadays on the interest of exploring intersemiotic transformations as a common object of their two disciplines, the present contribution attempts to answer this question and at the same time to probe interest in the use of translatological tools for the analysis of the kind of objects traditionally considered ‘free adaptations’. It is based on farce, with songs Der Talisman (The Talisman) by Johann Nepomuk Nestroy, an author and actor of 19th-century Viennese popular theatre, and on two translations in different non-verbal genres: the mimodrama Les Trois perruques by Marcel Marceau (1953; Paris, Petit Théâtre des Champs Elysées) and the ballet-pantomime Titus Feuerfuchs by Erika Hanka (1941; Hamburg, Opernhaus).

KEYWORDS

Mimodrama, pantomime, mime, ballet, intersemiotic translation, adaptation multimodality, intericonicity, Marceau, Hanka, Nestroy.

RESUME

Le langage verbal est un système de signes central de la tradition théâtrale occidentale. Comment fonctionne une traduction qui supprime celui-ci pour traduire un texte dramatique vers des genres non-verbaux du spectacle vivant ? A l’heure où traductologues et adaptologues s’accordent sur l’intérêt à explorer des transformations intersémiotiques comme objet commun de leurs deux disciplines, la contribution tente de répondre à cette question et de sonder parallèlement l’intérêt que peut avoir l’utilisation d’outils traductologiques pour l’analyse de ce type de corpus traditionnellement considérés comme « adaptations libres ». Elle s’appuie sur la farce avec chant Der Talisman (Le Talisman) de Johann Nepomuk Nestroy, un auteur-comédien du théâtre populaire viennois du XIXe siècle, et sur deux traductions dans des genres non-verbaux différents : le mimodrame Les Trois perruques de Marcel Marceau (1953 ; Paris, Petit Théâtre des Champs Elysées) et le « ballet-pantomime » Titus Feuerfuchs d’Erika Hanka (1941 ; Hambourg, Opernhaus).

MOTS CLES

Mimodrame, pantomime, mime, ballet, traduction intersémiotique, adaptation, multimodalité, intericonicité, Marceau, Hanka, Nestroy.

1. Introduction

La traduction interlinguale des textes dramatiques pose des problèmes spécifiques (Totzeva 1995 ; van Gorp 2004 ; Baines et al. 2016). Ils sont liés au caractère plurisémiotique et plurimodal de la représentation scénique que les textes dramatiques anticipent en intégrant un potentiel théâtral que le traducteur ne peut pas négliger. L’oralisation du texte, la matérialité des corps et des voix, le jeu, la scénographie, etc. fonctionneront comme autant de systèmes de signes parallèles, redondants ou non, et agiront aussi de façon performative en produisant un effet sur le spectateur (Weber 2006), l’exposant ainsi à une expérience esthétique dans laquelle surgit le sens (Fischer-Lichte 2005). S’ajoutent à cela la superposition de deux systèmes de communication dans lesquels les signes peuvent développer simultanément des significations divergentes, voire contradictoires entre elles (Totzeva 1995 : 22) et l’existence de conventions théâtrales et génériques, culturellement et historiquement variables (Schultze et al. 1990 ; Ranke 2004). Aussi, quand on traduit pour le théâtre, « on fait communiquer deux situations d’énonciation et des cultures hétérogènes, séparées par l’espace et le temps » (Pavis 1996).

Mais que se passe-t-il si on supprime un système de signes aussi central que l’est le langage verbal dans la tradition théâtrale occidentale, pour traduire un texte dramatique vers des genres non-verbaux du spectacle vivant ? Nous aborderons cette question à l’exemple de deux traductions intersémiotiques de la farce avec chants Der Talisman (Le Talisman) de Johann Nepomuk Nestroy (1840/1996 et 2012), un auteur-comédien du théâtre populaire viennois du XIXe siècle : le mimodrame Les Trois perruques de Marcel Marceau (1953 ; Paris, Petit Théâtre des Champs Elysées) et le « ballet-pantomime » Titus Feuerfuchs d’Erika Hanka (1941 ; Hambourg, Opernhaus). Tous deux font partie d’une série de spectacles basés sur des textes dramatiques ou narratifs, écrits et montés respectivement par Marceau (Kühnl-Kinel 1999) et Hanka (Oberzaucher-Schüller 2001 ; Kraus 2017), en collaboration avec des compositeurs contemporains.

2. La traduction intersémiotique

Evoquant dès 1959 à côté de la « traduction interlinguale » et de la « traduction intralinguale » une « traduction intersémiotique » (Jakobson 1963), Jakobson avait posé les premiers jalons pour une analyse traductologique de ce type de transformations (Gorlée 2004). Ce n’est pourtant que depuis très récemment et avec beaucoup de réticences que la traductologie admet que la traduction intersémiotique puisse être « une forme légitime quoique potentiellement périphérique et discutable de la traduction » (Hermans 2013 : 76)1. C’est que la traductologie a longtemps limité son objet à la seule « transformation textuelle interlinguale » (Schreiber 1999). Même si l’adaptation y était intégrée comme procédé ponctuel (Bastin 1993), la traduction était conçue en opposition à l’adaptation globale (Bastin 1993). Celle-ci – qu’elle soit intersémiotique, intergénérique ou « arbitraire » (Agnetta 2019 : 269) quand elle répond à la seule « visée » (Bastin 1993) d’un traducteur s’assumant comme co-auteur ou artiste créateur (Hellot 2009) – était considérée comme trop libre pour entrer dans le champ de l’analyse traductologique : « par définition, l’adaptation échappe à tout contrôle » (Pavis 1996 : 385). Aujourd’hui, où la traductologie met elle-même l’accent sur la traduction comme performance de co-création responsable de la part d’un sujet qu’on souhaite rendre visible (Agnetta 2018), elle rejoint les Adaption Studies dans un même souci de mise en valeur de l’acte co-créatif de la transformation : « to be second is not to be secondary or inferior » (Hutcheon 2012 : XV). Les adaptologues de leur côté s’opposent non seulement à l’idée d’un original sanctifié, mais aussi à une vision purement mécanique et médiale de l’adaptation qui réduirait celle-ci à une « réplique » (Hutcheon 2012 : XVIII) ou la « reproduction d’une série d’événements » (Fernàndez Vara 2014 : 2), un écueil combattu déjà par les premiers théoriciens du cinéma comme Bazin et Fuzellier qui opposaient à la vision de l’adaptation comme « illustration » ou « adaptation passive » la leur, conçue comme « traduction » ou « re-création », afin d’établir le cinéma comme art et non comme médium (Serceau 1999).

Aussi, traductologues et adaptologues considèrent d’un commun accord que plus que jamais la séparation des deux concepts est devenue problématique (Raw 2012 ; Mälzer 2015 ; Weissbrod et Kohn 2019). Ils se retrouvent dans le constat que leurs objets sont des reconstructions de textes dans un autre système que celui dans lequel ils ont initialement été créés (Weissbrod et Kohn 2019 : 91), elles mêmes fruit de choix d’un ou de plusieurs acteurs (Mälzer 2015) et issues d’une même démarche globale en deux phases.Tout d’abord un acte herméneutique d’analyse suivi de la (re)création d’une « entité d’une matière différente […] qui entretient à la fois une relation étroite avec sa source originelle et en est totalement indépendante » (Cahir 2006 : 14). Dès lors, il paraît légitime d’appliquer dans l’analyse de traductions intersémiotiques des concepts traductologiques comme « l’équivalence », « l’invariant » ou « le skopos » et d’en sonder la portée (Agnetta 2018 : 27). Nous pourrons aussi nous appuyer sur la distinction établie par Bastin entre (1) la « réactivation simple » basée sur une correspondance interlinguistique préétablie, (2) la « réactivation complexe » fondée sur un ou plusieurs critères donnés par l’original et puisant dans un fonds de connaissances existant et (3) la « re-création » fondée non plus sur le « vouloir-dire » du texte mais sur l’acte de parole entre l’auteur et son destinataire (Bastin 1993 : 476) et la combiner avec celle introduite par Cahir entre « traduction littérale » qui reprend l’action et les détails le plus directement possibles de la source littéraire, la « traduction traditionnelle » qui soumet ce matériau aux contraintes génériques, sémiotiques et médiales du nouveau contexte et la « traduction radicale », une relation d’interprétation pleinement assumée qui souligne le statut indépendant de la nouvelle œuvre (Cahir 2006 : 16-17).

Après une présentation du système sémiotique de départ et de la source, nous présenterons les spectacles de Marceau et Hanka comme ensembles multimodaux et expliquerons les langages utilisés par les deux artistes. Nous analyserons ensuite leur travail de traduction sous l’angle du transcodage, puis sous celui du processus d’analyse et de re-création.

3. Le système sémiotique de départ : le théâtre populaire viennois de Johann Nestroy

Le théâtre populaire viennois, fortement théâtral, sémantise les signes visuels. Il se prête en ce sens à une traduction vers des genres non-verbaux. Mais son autre spécificité, un travail très complexe sur la langue qui affecte à celle-ci de multiples fonctions et statuts, constitue un obstacle de taille. Aussi, selon l’avis longtemps très influent de Hans Weigel, Nestroy était considéré comme intraduisible même dans un contexte inter- et intralingual (Weigel 1967 : 17). C’est surtout le langage du protagoniste qui pose problème. Adossé au dialecte viennois dont il s’écarte pourtant, il constitue un idiolecte d’une extrême virtuosité qui démasque la pauvreté linguistique et intellectuelle des autres personnages : pur artifice, truffé de métaphores, de néologismes et de jeux de mots, ce langage est en décalage avec le profil sociologique du personnage et déborde de loin les besoins du système de communication interne. Si le protagoniste apparaît ainsi comme un raisonneur (qui s’exprime aussi sur un axe métadramatique dans des monologues, apartés et couplets chantés), la dynamique propre du code mène aussi à une strate où c’est le langage lui-même qui « s’interroge sur les choses » (Kraus 1912/1989 : 224) et « réfléchit sur lui-même » (Hein 2010 : 242). Sur le plan musical, le quodlibet, un montage d’airs d’opéra et d’opérettes connus, établit des relations intermusicales découplées de l’action, même si le texte chanté commente l’action de la pièce.

L’action des pièces peut être plus facilement traduite, encore que sa complexité – sur laquelle nous reviendrons – pose problème aux genres non-verbaux. Nestroy, soumis au rythme de production effréné dicté par un public friand de nouveauté, l’emprunte souvent à des comédies-vaudevilles des scènes parisiennes (ici Bonaventure de Dupeuty et de Courcy, 1840), la transpose à Vienne et la soumet aux conventions du théâtre populaire viennois. Parallèlement, il « colonise » sa source (Leitch 2007 : 109) en tirant l’idéo-texte vers une satire sociale désabusée de son époque de transition entre féodalisme déclinant et capitalisme montant où l’argent structure les hiérarchies sociales mais se déprécie vite au gré d’une inflation galopante. Les personnages – matérialistes, égoïstes et opportunistes – sont confrontés à cette contingence : l’action avance au fil des hasards, coups de chance et autres accidents et ne débouche sur aucune morale, même si elle se termine sur une apparente harmonie.

4. La source : Der Talisman

Der Talisman montre un protagoniste aux cheveux roux, Titus Feuerfuchs, qui, bien que victime d’une société inégalitaire, n’en est pas moins prêt à se servir froidement des autres pour arriver à ses fins. Compagnon sans emploi qui se dispense volontiers de travailler tant qu’il mange à sa faim, il mène sa vie en marge d’une société qui abhorre les cheveux roux et qu’il a prise en grippe. Il rencontre la gardienne d’oies Salome Pockerl, elle aussi marginalisée en raison de sa rousseur, qui tombe amoureuse de lui. Lorsque Titus sauve lors d’un accident la vie d’un coiffeur, celui-ci lui offre une perruque noire. Grâce à ce talisman, mais surtout à sa capacité à comprendre et à flatter les désirs des autres, il parvient à pénétrer toujours plus avant dans l’épicentre du pouvoir, le château local. Il séduit d’abord la jardinière par des métaphores végétales, puis – feignant de la prendre pour la comtesse – la femme de chambre, et enfin la châtelaine elle-même qui nourrit des ambitions littéraires ce qui incite Titus à enrober son langage de l’« habit du dimanche ». Dans un rythme vertigineux, Titus grimpe l’échelle sociale, devient aide-jardinier, chasseur et secrétaire, s’habille des vêtements des défunts maris et mange à la table des belles. Même la vengeance du coiffeur qui s’avère être le fiancé de la suivante, tourne à son avantage puisque le vol de la perruque qui devait démasquer l’imposteur contraint Titus à attraper la première perruque venue : elle est blonde et c’est cette couleur qui lui ouvre les bras de la comtesse qui abhorre les bruns. Mais il a désormais trop d’ennemis. Démasqué, il est chassé du château. Lorsqu’un nouveau talisman se présente sous la forme d’un oncle fortuné, on l’accepterait au château malgré sa rousseur. Mais il se présente avec une perruque grise. L’oncle, persuadé que Titus est devenu gris de chagrin, fait de lui son héritier et les veuves espèrent aussitôt emporter la mise dans un mariage. Mais Titus retire sa perruque, renonce à l’héritage, choisit finalement la gardienne d’oies qui lui était restée fidèle tout au long de l’action et promet d’œuvrer avec elle à la multiplication des roux.

5. Les spectacles de Marceau et Hanka et leur documentation : des ensembles multimodaux

Les spectacles de Marceau et de Hanka n’ont pas été filmés. Nous les aborderons donc à partir d’un complexe multimodal dans lequel chaque mode peut être vu comme une traduction intersémiotique des autres (Weissbrod et Kohn 2019 : 173). Le mimodrame Les Trois perruques a donné lieu à deux séries de photographies (Pic 1953 ; Weill 1953) dont certaines ont été prises pendant les répétitions. D’autres sont des portraits d’acteurs en costumes et maquillage, parfois dans des poses caractéristiques de leur personnage. On distingue des types sociaux dans un registre comique, parfois grotesque.


Photo 1. Les Trois perruques, comédiens en costume. (Weill 1953 : II.594 ; Source gallica.bnf.fr/BnF).

Est visible aussi le décor modulable (toiles de fond et latérales peintes) utilisé pour créer un espace sémantisé. Il existe un récit de scène publié (Lauran 1956), une traduction intersémiotique du spectacle qu’il décompose en tableaux numérotés et relate du point de vue du spectateur sous une forme narrative non dialoguée et teintée d’interprétations. Comme il ne figure pas dans les archives de la compagnie, son statut est incertain. Marceau lui-même s’est exprimé sur sa démarche artistique y compris dans ce mimodrame, notamment dans un entretien de 60 pages avec le critique de théâtre allemand Herbert Jhering (Jhering et Marceau 1956). La musique originale d’Edgar Bischoff, aujourd’hui perdue, est décrite par les critiques journalistiques de l’époque.

Pour le spectacle de Hanka, moins bien documenté, notre analyse se base sur la réduction pour piano de la partition (Hanka 1944). Elle s’ouvre sur un bref résumé de la fable tel qu’il était donné dans le programme. Comme dans tout ballet littéraire, la musique donne la structure au spectacle (Bührle 2014), ici en dix-sept morceaux (dont l’ouverture). L’action est décomposée en 55 étapes numérotées inscrites dans la partition au moment de leur exécution par les danseurs. Ces didascalies indiquent les décors qui structurent eux aussi l’action (trois décors peints sur des paravents latéraux changés à vue dont le premier revient à la fin), relatent les micro-actions mimées et dansées et précisent les costumes et objets, parfois aussi l’humeur des personnages.

Dans les deux spectacles, la musique dénote l’origine géographique et générique de la source (Vienne, comédie) et remplit des fonctions narratives importantes au niveau extradiégétique, mais peut ponctuellement aussi se situer au niveau diégétique pour servir de support à des danses qui assument, comme déjà chez Nestroy, à côté de leur fonction esthétique, une fonction sémantique en tant que marqueur d’inclusion ou d’exclusion sociale. Chez Hanka, où la musique provient de différentes opérettes de Johann Strauß (arrangement Wilhelm Brückner-Rüggeberg), on retrouve aussi le caractère citationnel du quodlibet.

6. Le langage du mime chez Marceau

Marceau reprend le langage du mime pur, développé par Etienne Decroux et Jean-Louis Barrault en rupture avec la tradition de la pantomime dans la lignée de Debureau qui traduisait les dialogues, initialement pour contourner l’interdiction faite aux théâtres des faubourgs d’utiliser la parole dont le monopole avait été accordé à la Comédie Française. La traduction reposait sur quelques centaines de « gestes termes », des signes symboliques tracés à la main, alignés selon une syntaxe simplifiée adaptée à la réception visuelle, qui devaient être connus du public pour être compris (Wague 1913, 8-9). Bannissant la mimique et les mains, Decroux inscrit sa recherche dans l’esthétique des avant-gardes. Le mime moderne lui doit une démarche analytique, une véritable grammaire corporelle qui décompose le corps en parties et identifie trois mouvements de base – inclinaison, rotation, translation – que chaque partie du corps peut exercer (Simon 1960 : 43-59). L’unité de base devient ainsi l’attitude corporelle qui a des qualités iconiques et peut exprimer, selon la technique du « »mime subjectif’, des états émotionnels et des traits de caractère. Le mime peut en composer un nombre infini. Aussi, selon Marceau, le mime est « un système qui analyse la réalité » pour « représenter des sentiments par des attitudes corporelles » (Jhering et Marceau 1955 : 26-27).

La réception visuelle impose toutefois de fortes contraintes. Toute surcharge en informations simultanées comme les actions parallèles de plusieurs personnages doit être évitée. Il est difficile d’exprimer des informations complexes comme les contradictions ou ambivalences et impossible de modaliser les messages pour exprimer des mensonges, méprises ou feintes (Pavis 2000 : 96-100 ; Jhering et Marceau 1955 : 27). Decroux en conclut à une restriction des contenus exprimables :

Le mime est une suite d’actions présentes. Or, le mot seul peut évoquer les choses absentes. Le mot seul peut dire ce qui fut, ce qu’on voudrait qui soit, d’où l’on vient, ou vers quoi l’on va, ce qui se passe au loin, à perte de vue ou bien derrière le mur, ce qu’on pense de ce qu’on nous fait (Decroux 1994 : 135-136).

Et il s’était donc opposé à tout projet de traduction d’une pièce parlante (Decroux 1994 : 126). Mais l’ambition de Marceau était de rompre avec la logique du programme à numéros que le mime partageait avec le cirque et le music-hall pour aborder des questions sociales complexes dans une forme longue, un « drame silencieux et mimé » dont « l’action est ‘racontée’ à travers les gestes et comporte plusieurs personnages » (Kühnl-Kinel 1999 : 55 et 56). L’objectif était d’établir le mimodrame aux côtés du théâtre parlant dont étaient issus Decroux et Barrault et auquel Marceau se réfère inlassablement pour montrer les liens existants et les filiations communes (Jhering et Marceau 1955).

7. Le langage chorégraphique de Hanka

Hanka travaille avec des solistes et un ensemble. Comme dans tout ballet, elle doit alterner entre solos, duos et danses d’ensemble. Les solos sont utilisés pour exprimer les sentiments et états d’esprit des personnages. Les duos participent de l’action en favorisant la formation de couples et en contrastant réussites et échecs de la séduction. Les ensembles figent l’action. Ce sont des moments d’ambiance auxquels contribuent aussi les décors (paysage d’été avec cultures de fleurs, forêt, salon), costumes (fées, jardiniers, chasseurs, bonne société) et les objets (arrosoirs, fouets). La pantomime est utilisée pour faire avancer l’action et communiquer l’intrigue nécessairement réduite pour laisser place aux développements dansés. Hanka qui venait de la danse expressionniste (Ausdruckstanz) combine dans son spectacle différents styles de danse dont certains sont réservés à certains milieux (seules les fées et les oies dansent sur les pointes).

8. La traduction intersémiotique comme transcodage

Marceau et Hanka développent des stratégies pour rendre leur source compatible avec leur langage. On constate une tendance à la simplification et à la clarification des situations et des relations. Ainsi le personnage complexe du coiffeur (donateur de la perruque et rival) est décomposé en deux personnages distincts dont l’un relève d’une sphère supranaturelle. L’harmonie finale est conçue comme une vraie harmonie. La méprise feinte au sujet de l’identité de la femme de chambre devient chez Marceau une méprise réelle et est supprimée par Hanka. Une technique pour faire passer des informations complexes consiste à les décomposer en unités moins complexes mimées les unes à la suite des autres pour procéder par empilement des informations. Marceau transforme également en actions présentes des informations relatées sous forme de récits, elles aussi supprimées chez Hanka.

Prenons pour exemple la première apparition du protagoniste. Chez Nestroy, où la problématique des cheveux roux a déjà été introduite par rapport à Salome et commentée dans son couplet, l’entrée en scène de Titus Feuerfuchs est fulgurante. En colère, il réagit à une insulte qui lui a été faite dans le hors-scène et dont il fait comprendre le caractère sériel. Nestroy introduit ainsi simultanément le caractère combatif et impulsif de son personnage, son brillant idiolecte et, par contraste sa situation sociale marginale. Dans un couplet, le personnage commente les préjugés comme un fléau généralisé, pour ensuite contextualiser l’insulte qui vient de lui être faite dans un récit autobiographique présentant sa vie comme une longue suite de rejets dont il est victime en raison de sa rousseur.

Marceau, pour traduire ce complexe très dense qui prend appui sur nombre d’événements du hors-scène et du hors-temps, hiérarchise les personnages. Celui qui entre en scène le premier est le protagoniste, la scène avec la fille est rejetée en deuxième position. Marceau compose la situation sociale, puis le caractère de son personnage par touches successives à travers des attitudes et situations. Pour devenir un trait permanent détaché de la situation, l’information doit être répétée. Des répétitions-variations permettent d’intégrer de nouveaux éléments au tableau. Le personnage est aussi intégré dans un personnel dramatique où chaque personnage, par son attitude générale, est situé par rapport aux autres par des parallélismes ou des contrastes. Ainsi, l’attitude générale du protagoniste s’oppose à l’attitude arrogante des autres personnages masculins et rend visible qu’il ne maîtrise pas le code de leur milieu social.


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Photo 2. Les Trois perruques, attitudes contrastées des personnages (Weill 1953 : II.587 ; Source gallica.bnf.fr/BnF).

Le protagoniste imitera cette attitude socialement valorisée lorsque le port des perruques s’accompagne non seulement d’un changement vestimentaire, mais aussi d’une adaptation du code de la part du personnage (langage chez Nestroy, attitude chez Marceau).

L’attitude du protagoniste est introduite au début du spectacle dans une marche solitaire qui part du fond de scène.


Photo 3. Les Trois perruques, première apparition du protagoniste (Weill 1953 : II.549 ; Source gallica.bnf.fr/BnF).

Les jambes écartées, les genoux fléchis, le tronc se désaxant en déséquilibre sur une jambe lorsqu’il marche. Le personnage paraît faible, maladroit. Il manque d’ancrage dans le sol et peut de ce fait être assimilé par le spectateur à des types comiques connus (Charlot, clown triste) ce qui permet d’enrichir le nouveau personnage du sème « perdant de la société ». Cette relation intericonique qui va au-delà de la relation source-cible (un trait typique des ensembles plurimodaux, Weissbrod et Kohn 2019) fonctionne ici comme un culturème, un signe qui est « en égale mesure référentiel et inférentiel » et qui possède un « potentiel ‘signifiable’ » qui ne s’actualise que chez certains usagers (Badea 2019 : 71-72). Marceau se sert donc d’un « vocabulaire » (Cahir 2006) visuel dans une « réactivation complexe » (Bastin 1993).

Viennent ensuite, sous la forme d’une série de situations présentes les informations relatées dans le monologue de Nestroy : l’homme aux cheveux roux demande en vain du travail à un fonctionnaire, à un banquier et à un notaire. La situation de l’échec est sérialisée et Marceau constitue au passage par métonymie un collectif « société bourgeoise » qui rejette le protagoniste. Face au notaire, le personnage est enrichi d’un nouveau trait, la ruse, qui clarifie en même temps le motif du rejet : il « garde son chapeau tout en prenant une attitude modeste » (Lauran 1956, 5). Mais « le notaire, curieux, ôte le chapeau, recule d’horreur, le renvoie d’une manière méprisante » (Lauran 1956 : 5). Le protagoniste s’effondre alors sur un banc.


Photo 4. Les Trois perruques, réaction du notaire. (Weill 1953 : II.553 ; Source gallica.bnf.fr/BnF).

C’est seulement maintenant qu’apparaît la colère : le fonctionnaire et le banquier viennent se moquer de lui, il se lève et lance un « regard dur aux deux bavards », suite à quoi les agresseurs « s’enfuient apeurés » (Lauran 1956 : 6). Pour détacher la colère de cette seule situation et introduire durablement les traits de caractère de la combativité et de l’impulsivité, Marceau répète dans une variation ce schéma action-réaction-effet (Lauran 1956 : 7).

On voit ainsi que Marceau reconstitue une grande partie des informations, mais le transcodage en actions présentes (Decroux) et plus encore la réactivation d’un vocabulaire visuel préexistant modifient la perspective : le personnage perd sa supériorité ironique et désabusée, tout comme sa paresse parasitaire pour devenir la victime sympathique d’une injustice sociale qui devient le thème principal de la séquence.

Hanka de son côté écarte le motif de la demande d’embauche et ne retient que celui de la séduction. Après l’ouverture, le rideau se lève sur un solo de Pockerl gardant des oies invisibles. La danse introduit un motif bucolique et révèle le caractère du personnage puisque « dans ce solo s’expriment sa gaité et sa joie de vivre atténuées par la conscience de sa rousseur » (Hanka 1944 : 14). Un mouvement d’ensemble confirme dans une répétition-variation la thématique des préjugés : trois couples de paysans dansent. Ils repoussent et raillent d’abord Pockerl, puis Titus, qui tentent chacun leur tour d’entrer dans la danse. Vient ensuite un solo de Titus qui exprime sa déception et sa colère suivi d’une polka qui introduit le motif de la séduction et du rejet (Pockerl / Titus, puis Titus / la jardinière). Un nouvel accès de désespoir de Titus sur la même « musique de la colère » (leitmotiv) se solde par une nouvelle tentative d’approche de Pockerl qui veut le réconforter mais se fait une nouvelle fois renvoyer par Titus qui s’isole sur une colline et s’endort.

On comprend aisément la logique de cette séquence. Hanka pouvait s’appuyer sur le mouvement de la musique et utiliser le vocabulaire de la danse expressionniste pour développer dans les solos des peintures psychologiques. Titus étant le seul personnage à exprimer dans des solos ses réactions psychologiques à l’action, il devient identifiable comme protagoniste. La focalisation interne ainsi réalisée prépare le basculement dans le rêve qui va suivre cette séquence. Dans les duos et danses d’ensemble, les mouvements et positions des corps dans l’espace sont sémantisés puisque la chorégraphie est construite selon un mécanisme d’attraction et de répulsion qui acquiert par la répétition insistante le statut d’un thème. Misant sur la dynamique du mouvement au lieu de produire une suite d’attitudes comme la pantomime, le ballet met d’autres accents que celle-ci. Hanka a une plus grande facilité à exprimer de façon nuancée les caractères et sentiments, mais peine à enrichir le motif social.

C’est pour réintroduire le volet psychologique que Marceau apporte une souplesse au langage du mime en intégrant des éléments issus du théâtre parlant. Les décors sont utilisés de façon symbolique. Le château (toile de fond) est l’objet du désir de Titus. A jardin, la boutique du perruquier qui fournit les talismans, et à cour la boutique d’un brocanteur où travaille la fille aux cheveux roux symbolisent le choix qu’il doit faire. Comme les maquillages, masques et costumes renvoient à des types, il devient possible non seulement de caractériser les personnages, mais aussi de moduler l’identification et la distance du spectateur par rapport à eux ou encore de clarifier leur position dans le schéma actantiel (protagoniste, objet du désir, opposant, adjuvant, etc.). Un nombre très limité d’objets permet de dénoter les milieux sociaux, de clarifier les actions, mais surtout de montrer la relation qu’entretiennent les personnages avec eux. Les objets comme les perruques peuvent, selon un mode mythique ou psychologique, inspirer un désir, d’autres sur un mode comique échapper à la maîtrise de l’homme. Comme les perruques renvoient de façon autoréférentielle tant à la théâtralité (« A impersonates B while C looks on », Bentley 1964 : 150) qu’à l’image (qu’on a ou qu’on donne de soi) et à sa médialité (l’image n’est pas la chose représentée), elles aident à développer une dimension symbolique, importante pour l’élaboration de la signification par le spectateur. Il en va de même de l’objet comique. En soumettant l’homme qui devrait le maîtriser, il produit « du mécanique plaqué sur du vivant » (Bergson 1985 : 29) et évoque donc aussi une déshumanisation.

9. Le travail sur les invariants et les équivalences

Malgré ce rapprochement avec les moyens du parlant utilisés dans Les Trois perruques dans une esthétique proche du théâtre populaire (viennois), on constate que les éléments concrets diffèrent sensiblement de ceux du Talisman, de sorte qu’il est impossible de relier spontanément les photos à des scènes de la pièce de Nestroy. De même chez Hanka, l’introduction d’un rêve, de fées et de fouets ne doivent en apparence rien à Nestroy. Ces changements ne sont pourtant pas arbitraires puisque trois invariants régissent chaque traduction : (a) la fable, (b) la structure de l’action et (c) l’appartenance générique (chez Hanka) et le traitement du code (chez Marceau).

10. La fable

Il faut entendre la fable au sens brechtien du terme comme un point de vue sur l’histoire et l’exégèse du matériau gestuel (Brecht 1963). Selon Marceau, « Le Talisman est l’histoire [d’]un homme qui, placé entre deux situations (illusion et réalité), se décide pour la première, est poussé dans des conflits avec tous les personnages de la comédie et perd dans ce processus tout contact réel avec l’humain » (Jhering et Marceau 1956 : 48). Plus loin, il complète cette version psychologique et ontologique par une comparaison avec la fable du Manteau de Gogol (mimodrame de Marceau en 1951) qui introduit les éléments sociologiques :

Titus Feuerfuchs aspire à effacer ses cheveux roux à l’aide des perruques. Il cherche la reconnaissance d’une société dont il ne fait pas partie, mais qu’il souhaite intégrer. A la différence du Manteau qui se clôt sur la fin tragique de l’acteur [sic !], le héros des Trois perruques, devenu raisonnable, s’engage sur le chemin d’un meilleur avenir avec la fille (Jhering et Marceau 1956 : 48).

Dans le mimodrame, ces deux aspects de la fable se superposent et sont alimentés, comme nous l’avons vu, par des éléments de la microstructure.

Hanka n’a pas formulé sa fable, mais le résumé et le livret montrent qu’elle concerne l’évolution psychologique du personnage : un homme rejette sa « partenaire naturelle » (résumé) parce qu’il « se sent appelé dans les hautes sphères » (résumé) qui pourtant le rejettent. Le passage par une phase où le déni de soi lui permet certes d’atteindre son objectif mais lui fait découvrir aussi la face sombre des sphères qui l’attirent, lui apprend à réaffirmer son identité et à trouver le bonheur.   

11. La structure de l’action

La structure de l’action est le support qui organise la traduction en fonction de la fable retenue. D’une façon analogue à l’adaptation procédurale qui identifie des normes et règles qui régissent un monde diégétique pour ensuite les traduire dans une structure de jeu vidéo (Fernàndez Vara 2014), Marceau et Hanka identifient derrière les éléments anecdotiques, l’anatomie de l’action et les fonctions de chaque partie pour leur fable. Les images viennent en dernier pour re-créer cette structure dans la nouvelle œuvre. « On ne part pas de l’image », avait dit Fuzellier, « on y arrive » car il n’y a pas « de sens à créer des images avec trop de précision tant que l’on ne sait pas exactement quelle place on leur donnera et quelle signification elles devront avoir » (cité par Serceau 1999 : 29).

Marceau et Hanka réutilisent des éléments de Nestroy lorsque c’est possible (traduction littérale) mais, le skopos étant de rendre la structure visible et compréhensible pour le spectateur et de lui communiquer ainsi la fable, n’hésitent pas à introduire selon le principe de l’équivalence des personnages et situations entièrement nouveaux (traduction radicale). Chez Marceau, les éléments omis sont souvent replacés ailleurs dans la structure selon le principe de compensation. Concrètement, cette phase créative comporte d’abord une phase dramaturgique où Marceau élabore un scénario qui fixe aussi la structure temporelle du mimodrame. Viennent ensuite deux à trois mois de répétitions, introduite par une phase d’improvisation collective pour élaborer le détail des micro-actions, attitudes, mimiques, etc. (Jhering et Marceau 1956 : 44).

Marceau reconnaît dans l’action de Nestroy le rôle structurant des trois perruques (qu’il souligne dès le titre de son mimodrame). Il y voit un triptyque où le même schéma (la tentative d’intégration sociale) redémarre trois fois en mettant l’accent sur trois thématiques successives qui précisent et concrétisent l’objet du désir : 1) le pouvoir de séduction (perruque noire) associé au motif de la rivalité ; 2) le pouvoir social (perruque blonde) associé au salon de la comtesse ; 3) le pouvoir de l’argent (perruque grise) associé aux motifs de l’héritage et du mariage qui fait tomber les masques et dévoile une société corrompue. Si les deux premières phases se soldent par un démasquage de l’imposteur suivi de sa chute, c’est le protagoniste lui-même qui met fin à la troisième par l’abandon de son projet carriériste, la reprise de son identité propre et le rejet définitif de la société au profit de la fille qui lui ressemble.

Hanka ne retient que l’objet et la thématique de la perruque noire. Elle identifie une structure simple en trois phases : 1) exposition du problème (sans la perruque) ; 2) la perruque comme fausse solution – séductions réussies couplées à l’ascension sociale (jardinière, chasseuse, comtesse) qui implique le déni et la perte de soi, suivie du démasquage et de la poursuite de l’imposteur – ; 3) vraie solution (sans perruque) : Titus accepte son identité et l’amour de Pockerl.

Hanka réalise cette structure sous la forme d’un récit cadre qui dénote la réalité (sans perruque) et d’un récit enchâssé sous la forme d’un rêve qui souligne la nature illusoire de la fausse solution : Titus obtient la perruque par une fée et se réveille lorsque le conte de fée tourne au cauchemar. Au réveil, il parvient à mieux se positionner dans la réalité. Le dédoublement des marqueurs d’irréalité (rêve et fée) invite toutefois à voir dans cette structure également le « travail du rêve » (Freud 2010) : la fée fait partie du rêve ce qui détermine son statut ontologique comme projection de Titus – elle n’est pas un agent du destin, mais correspond à un déplacement de l’image qu’il se fait de lui-même comme « appelé du destin ». Dans « l’audace du rêve » (résumé), Titus « vit » ses désirs (ascension sociale), fantasmes (dans le pas de deux avec son amant Diabolo, Constantia apparaît comme une domina en costume de chasse qui fait claquer son fouet et qui initie Titus à la débauche) et angoisses (perte de soi dans l’imitation des autres et l’alcool procuré par Constantia) ce qui lui permet de corriger l’image qu’il a des autres et de lui-même et de rediriger son désir. Hanka procède donc comme Marceau par la réactivation complexe d’un « vocabulaire » préexistant (rêve, fée, domina) utilisé selon le principe de l’équivalence.

12. De la « traduction traditionnelle » à la « traduction radicale » : le travail de re-création

Dans les deux traductions, c’est dans la microstructure qu’on passe à la phase véritablement créative. Celle de Hanka suit d’assez près les conventions génériques du ballet. Non seulement l’intégration d’un rêve est très fréquente dans les ballets-actions (Bührle 2014), mais on voit surtout que chaque épisode donne lieu à un pas de deux et une danse d’ensemble auxquelles les milieux (fées, jardinières, chasseuses, etc.) donnent des colorations contrastées. Hanka peut déployer ici toute une palette de styles de danse, placer éventuellement des allusions à des ballets connus (tout comme la musique reprend des opérettes connues du public) et retrouver ainsi l’esprit des quodlibets du théâtre populaire viennois.

Marceau crée des situations qui font clairement comprendre l’enjeu thématique de chaque perruque. Le protagoniste rencontre dans les trois phases de l’action les mêmes personnages, mais comme ceux-ci ne le reconnaissent pas d’un épisode à l’autre, la logique du redémarrage est exposée à la vue du spectateur. En même temps, les situations deviennent de plus en plus extravagantes, signifiant ainsi la rupture avec la sphère de la réalité (thématique de la fable).

Pour la perruque noire, Marceau reprend les situations de séduction de la pièce de Nestroy et introduit avec un duel un élément qui concrétise le motif de la rivalité. Pour la perruque blonde, il crée une nouvelle situation où le protagoniste, déguisé en gouverneur, assiste à un banquet chez la comtesse. Toute la bonne société imite le moindre de ses gestes jusqu’à l’absurde (le hoquet). Marceau paraphrase ici non seulement la scène de Nestroy où la bonne société applaudit aux mauvais vers de la comtesse (on remarquera au passage que l’autoréférentialité de la parole est remplacée par celle de l’image), mais s’appuie surtout sur le culturème du Révizor de Gogol, aidant ainsi son spectateur à identifier la thématique visée. En faisant démarrer l’épisode de la perruque grise dans un casino, la thématique est clarifiée d’entrée de jeu. Le protagoniste y sauve la mise à un vieux marquis qui fait de lui son héritier et le fiancé de sa fille ce qui fait enrager toute la bonne société qui dévoile ici son vrai visage : la comtesse tente en vain de le séduire et va jusqu’à se trainer à genoux devant lui. Pour la prise de conscience qui prépare le retournement final de la pièce, Marceau s’appuie à nouveau sur un culturème : Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde. Le protagoniste avait vu sa fiancée sur un portrait. Le jour du mariage, lorsqu’il lève le voile de la mariée, il découvre « le visage hideux boutonneux et déformé d’une vieille fille aux cheveux gris. Un regard éperdu au portrait, un regard à sa fiancée et il tombe évanoui » (Lauran 1956 : 16). Le protagoniste découvre ici non seulement le vrai visage de l’objet de son désir, mais voit aussi comme dans un miroir le reflet de ce que ce désir a fait de lui. L’autoréférentialité sert ici de support à la prise de conscience du protagoniste, motive ainsi la chute de l’histoire et renvoie ainsi une nouvelle fois très clairement à la fable. On voit que dans les arbitrages, le troisième invariant, c’est-à-dire le débordement du code donnant lieu à une « image qui réfléchit aux choses et à elle-même », joue un rôle éminent. On retrouve aussi ce débordement dans sa dimension ludique et performative dans maintes scènes burlesques comme celle du duel où Marceau travaille fortement sur le comique de situation.

13. Les stratégies de compensation

Le duel peut nous aider à comprendre les stratégies de compensation que fait jouer Marceau pour replacer des éléments laissés de côté. Le duel est une réactivation complexe pour traduire le motif de la rivalité. Aussi, Marceau y fait intervenir un personnage typique dans le rôle du rival : le commandant.

Le duel remplace le vol de la perruque noire par le coiffeur et fonctionne de façon analogue. La tentative du rival pour éliminer le protagoniste échoue donc grâce à un coup de chance : le protagoniste perd tout contrôle sur son pistolet qu’il ne peut plus arrêter ce qui fait fuir le rival blessé. Marceau affecte deux autres fonctions à ce duel : la maladresse du protagoniste véhicule premièrement une information complexe en faisant comprendre au spectateur que la perruque n’a pas de pouvoir magique et que le protagoniste est donc bien resté le même sous son déguisement et montre deuxièmement le protagoniste soumis au pouvoir de l’objet (ici le pistolet, mais le spectateur peut faire le lien avec l’objet perruque) ce qui concrétise sur le mode comique la perte de son statut humain (fable).

Marceau perd par ce traitement trois éléments : le vol de la perruque lui-même, le sème de l’ingéniosité lié au remplacement de la perruque perdue et la présence du donateur de la perruque. Nous allons donc retrouver ces trois éléments ailleurs. Le vol de la perruque réapparait sous une forme qui l’associe aux moteurs de l’action que sont le hasard et l’accident : la perruque reste accrochée au chapeau quand le protagoniste revient chez la comtesse après le duel. Le sème « ingéniosité » est déployé de façon analogue que chez Nestroy et relié au motif du duel puisque le protagoniste met un bandage autour de sa tête pour cacher sa chevelure rousse. Intervient maintenant le perruquier qui fera réellement échouer la mascarade en montrant à la comtesse la perruque accrochée au chapeau. Cet épisode mène donc au premier démasquage du protagoniste et clôt la phase de la perruque noire.

Remplacé dans l’intrigue par le commandant dans sa fonction de rival, le perruquier joue chez Marceau le rôle d’un tentateur et jouit d’un statut métadramatique où il peut être compris comme une personnification du désir du protagoniste. Si le commandant est son rival, le perruquier est donc son véritable antagoniste. C’est lui qu’il devra vaincre à la fin en se détachant de lui. La construction est ingénieuse, mais la compensation mène au dédoublement d’une situation et d’un personnage. Cette tendance inflationniste se vérifie ailleurs. Elle mène à un foisonnement qui compromet parfois la lisibilité mais qui correspond au foisonnement verbal chez Nestroy.

14. Conclusion

En l’absence de documents filmés, il est bien sûr difficile de se rendre compte de l’esthétique des représentations. Néanmoins, notre analyse a pu montrer que les outils d’analyse issus de la traductologie aident à comprendre le travail fourni par Hanka et Marceau qui pourrait de prime abord sembler arbitraire. Nous avons pu mettre certains éléments en rapport avec les contraintes du nouveau code, mais nous avons surtout vu que les deux traductions reposent sur des mécanismes de réactivation complexe à partir d’invariants qui reposent sur une analyse globale préalable tant de la fable que de la structure. Si chez Hanka, l’aspect intergénérique semble souvent guider ses choix et qu’on pourrait en ce sens qualifier sa traduction de « traditionnelle » (Cahir 2006), il est à noter que ses choix entrent aussi en dialogue avec le genre de départ. De la même façon, certaines relations intericoniques introduites par Marceau ne constituent pas seulement des équivalences sémantiques, mais transposent aussi l’autoréférentialité du code dans le domaine de l’image.

Les deux artistes se servent de la traduction intersémiotique pour anticiper un horizon d’attente générique qu’ils souhaitent créer de façon performative à l’aide de ce type de projets. Hanka souhaite faire évoluer le goût du public des grandes institutions dans lesquelles elle travaille par l’adossement à une culture populaire (Nestroy et Strauß). L’utilisation ponctuelle des tutus et pointes permet de faire accepter l’évolution du genre du ballet vers une plus grande diversité et hybridité des styles de danse. A partir de son deuxième livret, le ballet narratif devient aussi le vecteur pour amener son public vers la musique contemporaine, réputée difficile. La traduction beaucoup plus exhaustive de Marceau doit être mise en relation avec son ambition d’établir le mimodrame à côté du théâtre parlant comme genre complexe pouvant traiter des sujets en lien avec des thématiques psychologiques et sociales. Marceau est certes obligé d’infléchir son code et de travailler avec de nombreuses compensations, mais il arrive à prouver la faisabilité d’une entreprise que Decroux avait condamné à l’échec.

Ces deux traductions intersémiotiques d’une farce autrichienne, qui est elle-même l’adaptation d’un vaudeville français, font intervenir des relations intertextuelles, intermusicales et intericoniques non issues de la source. Elles montrent en tout cas que « les versions existent latéralement et non verticalement » (Hutcheon 2012 : XV) et confirment aussi, chacune à sa manière, que s’applique à la traduction intersémiotique ce que Kohlmayer constate pour la traduction littéraire : que l’« imitation [y fonctionne] comme contrainte herméneutique à la créativité rhétorique » (Kohlmayer 2017).

Acknowledgements
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Bibliographie
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Biographie

Kerstin Hausbei est membre du Centre d’études et de recherches sur l’espace germanophone (CEREG) et maître de conférences à l’Université Sorbonne Nouvelle où elle enseigne la littérature et le théâtre de langue allemande. Ses recherches portent sur la dramaturgie, la poétique, la médialité et la narrativité du théâtre. Publications : (2019) « En deçà de la théâtralité ? Nathan !? de Nicolas Stemann ». Ariane Ferry et al. (éd.). Frontières du théâtre. Paris : Garnier ; (2018) « Materialität und Narration im Hörbuch : Überlegungen am Beispiel deutscher und französischer Hörbuchfassungen von Tausendundeine Nacht ». Cahiers d’études germaniques 4/2018 ; (2017) « Sur le seuil ? Hypothèses sur la fonction de l'espace dans la dramaturgie narrative de Roland Schimmelpfennig », Cahiers de narratologie 31 bis ; (2016) « Bild, Geste und Theatralität in Franz Grillparzers Vließ-Trilogie ». Marc Lacheny, Jacques Lajarrige et Éric Leroy du Cardonnoy (éd.), Modernité du mythe et violence de l’altérité : La Toison d’or de Franz Grillparzer. Rouen : Presses Universitaires de Rouen et du Havre.

E-mail : kerstin.hausbei@sorbonne-nouvelle.fr

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